L’évolution d’Agnès
LA NAISSANCE DE L’AMOUR
L’acte I a présenté Agnès, sans qu’elle ne paraisse en scène. Son « innocence » a été soulignée par Arnolphe, ainsi que son ignorance : « la rendre idiote autant qu’il se pourrait ». La scène 5 de l’acte II confirme cette présentation à travers son peu de conversation, par l’aveu naïf de sa rencontre avec Horace, et la façon dont elle s’est fait duper par l’entremetteuse.
http://www.dailymotion.com/video/x25dlw_lecole-des-femmes-galabru_creation
http://www.ina.fr/art-et-culture/arts-du-spectacle/video/CAF90050388/l-ecole-des-femmes.fr.html
Cependant la fin de la scène montre déjà un éveil du sentiment amoureux, qu’elle ne sait pas encore définir : « […] là-dedans remue / Certain je ne sais quoi dont je suit toute émue. » (v. 563-564). Peu à peu, face aux propos d’Arnolphe, elle accède à la conscience de soi. Elle ose d’abord le contredire : « Oh ! point. Il me l’a dit plus de vingt fois à moi » (v. 593). Puis elle met en doute par ses questions la parole d’Arnolphe (v. 600 – v. 602). Enfin elle formule un reproche implicite : « Et je ne savais pas encore ces choses-là ».
=== À la fin de la scène 5, on constate un début de résistance, encore très timide cependant.
LA RÉVOLTE DE L’AMOUR
C’est par Horace que nous apprenons d’abord l’évolution d’Agnès. La lettre qu’elle a eu l’audace de joindre au « grès » jeté révèle déjà la puissance de l’amour (Acte III, scène 4).
La décision qu’elle a été capable de prendre, recevoir Horace dans sa chambre et le cacher à l’arrivée d’Arnolphe (Acte IV, scène 6), confirme le fait qu’elle est devenue capable de lutter pour son amour : elle est devenue femme. Arnolphe lui-même signale cette évolution dans la scène 4 de l’acte V : « Et vous savez donner des rendez-vous la nuit / Et pour suivre un galant vous évader sans bruit. » Mais, en devenant femme, elle a perdu son « innocence », dans le sens étymologique du mot, c’est-à-dire qu’elle a acquis le pouvoir de faire souffrir l’homme, de « faire du mal ». Parallèlement, elle a fait évoluer Arnolphe, qu’elle oblige à un aveu amoureux.
Incapable de créativité dans la parole au début de la pièce, elle peut à présent conduire un raisonnement, en retournant contre Arnolphe ses propres arguments : « J’ai suivi vos leçons, et vous m’avez prêché / Qu’il se faut marier pour ôter le péché ». De même, elle sait comparer deux conceptions du mariage, vu par Arnolphe (« fâcheux et pénible ») et vu par Horace : « rempli de plaisirs ».
Elle accède à la conscience, en étant maintenant capable de définir ce qu’elle ressent, et d’affirmer son amour avec force : « Oui, je l’aime ». De ce fait, elle s’affirme elle-même, en répondant point par point à Arnolphe dans la stichomythie. Elle a mesuré son mépris envers elle, et ne se laisse plus humilier. Au rappel grossier du coût de sa nourriture, elle répond à son tour avec mépris : « Non, il vous rendra tout jusques au dernier double. » Elle a également pris conscience de son ignorance, due à la volonté d’Arnolphe, et exprime le désir d’apprendre : « Je ne veux plus passer pour sotte si je puis. »
Cette affirmation de sou va de pair avec une forme d’égoïsme, nécessaire pour se protéger : ses réponses sont blessantes pour Arnolphe, dont elle rejette les déclarations d’amour.
=== Elle accède ainsi à la dignité.
Le personnage d’Arnolphe